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Le développement de l'âme

Alfred Percy Sinnett
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CHAPITRE XIII :
LA THÉOSOPHIE AU MOYEN-ÂGE (1/3)

Les étudiants de la sagesse ésotérique, dont l'objet principal est d'étudier et de comprendre les principes de l'évolution spirituelle, savent déjà que ces principes furent en tous temps reconnus par les mystiques de tous les pays. La haute science qui les résume n'est pas une invention des Théosophes modernes, ni l'apanage d'un petit groupe d'adeptes, jaloux de la dérober aux recherches de tous les philosophes. L'irruption soudaine de certaines données occultes en relation avec les lois naturelles, la façon dont elles se sont imposées aux esprits contemporains, depuis quelques années, pourraient suggérer cette idée. Mais plus nous comprenons les enseignements occultes, mieux nous les retrouvons dans la littérature philosophique et religieuse des premiers âges ; ils s'y voilent sous différents symboles ; mais l'identité des idées-mères et du sens intime des termes décèle une commune origine.

      On a déjà beaucoup écrit – il serait à souhaiter qu'on écrivît davantage encore – pour prouver combien la gnose chrétienne s'identifie avec la science ésotérique dans ses points les plus importants. La disparition graduelle des conceptions gnostiques, étouffées sous les dogmes rigides et étroits que les églises reconnues avaient intérêt à imposer, offrirait un sujet d'étude intéressant, qui nous éclairerait sur les causes de la dégénérescence à laquelle sont vouées les croyances populaires. Mais, tandis que l'ésotérisme chrétien s'obscurcissait graduellement, comprimé par la puissance grandissante de l'Eglise pendant le moyen-âge, ses doctrines essentielles, qu'aucune persécution ne pouvait soustraire à l'attention des esprits éclairés, cherchèrent d'autres débouchés en raison même de cette compression et échappèrent ainsi à l'attention publique. La philosophie essentielle de la religion se sépara de l'image grossière sous laquelle on la représentait, elle s'entoura d'un voile impénétrable à tous, sauf à quelques initiés et l'Eglise se montra aussi incapable de le soulever que le laïque ignorant. Ce voile fut la science si décriée qu'on nomme l'alchimie, cette théorie dont les écrivains de la Rose-Croix se firent les principaux propagateurs. Tournée en dérision, aujourd'hui encore, par une génération matérialiste qui a le tort d'interpréter, toujours au sens littéral, les termes symboliques de la vérité cachée, l'alchimie n'en est pas moins l'expression cryptographique d'une profonde sagesse spirituelle.

      Cette opinion ne constitue pas une théorie hypothétique, née du désir de retrouver quelques traces de la donnée ésotérique dans la littérature du moyen-âge ; c'est un aperçu très exact, au même titre que l'interprétation d'un cryptogramme est reconnue exacte, lorsqu'on y trouve un sens. Les journaux nous offrent un exemple analogue dans ces annonces mystérieuses, dont les caractères semblent groupés d'une façon indéchiffrable et par lesquelles certaines personnes s'amusent à correspondre. Si nous voyons qu'en remplaçant tous les a par des b, tous les c par des d, et ainsi de suite, nous arrivons à traduire ce message dans un langage intelligible, nous sommes convaincus d'avoir saisi le système employé par l'auteur du cryptogramme. Ainsi en est-il du symbolisme, en apparence ridicule, de l'alchimie : si, pour en déchiffrer le sens, nous prenons la bonne clé, il nous apparaîtra plein de cohérence. Nous avons aujourd'hui cette clé : ce sont les données que la Théosophie enseigne à tous depuis quelques années. L'obscur verbiage des ouvrages alchimiques s'éclaire quand nous le lisons dans l'esprit ésotérique, quand nous nous efforçons de saisir, non pas les interprétations relatives à la transmutation du plomb ou de l'antimoine en or, mais celles qui décrivent le processus de développement du Soi supérieur par la purification du Soi inférieur, ce qui constitue le véritable développement occulte.

      Par le fait, le magnum opus, toujours poursuivi par les vrais alchimistes, c'était la transmutation de la conscience physique de l'homme en cette conscience divine. Les indications et les recettes qu'ils ont laissées, qui paraissent insensées lorsqu'elles sont interprétées par les chimistes du dix-neuvième siècle, deviennent l'expression d'une haute philosophie spirituelle et s'harmonisent parfaitement avec les lois qui régissent l'évolution de l'homme, dès que nous prêtons un sens symbolique aux formules bizarres de cuisson, de distillation, de mercure des sages, de l'eau de feu et des ferments. (Note FS)

      Il serait facile de puiser, dans les livres d'alchimie, assez de citations pour prouver que les ailleurs entendaient traiter leur sujet au sens spirituel. On pourrait tout aussi bien donner aux personnes de bonne volonté une suite de lectures qui pourrait relever dans leur estime cette alchimie si décriée par la littérature pseudo-scientifique du XIXème siècle.

      Mais, avant d'en venir aux citations qui pourront nous ouvrir une méthode d'investigation rationnelle, il est bon de donner un aperçu succinct des conséquences indirectes qui résulteront de nos découvertes.

      Ce que nous avons dit jusqu'ici de l'alchimie est la stricte vérité. Les vrais alchimistes étaient des philosophes spirituels qui se consacraient à l'œuvre importante de développer les possibilités divines latentes en leur nature humaine ; c'étaient des étudiants de la vraie religion, au sens le plus élevé du terme – des hommes que leur intelligence avait affranchis des dogmes plus ou moins bizarres de l'église exotérique et qui, à l'abri des grosses erreurs d'un clergé égoïste et frivole, cherchaient encore à s'associer à la volonté de Dieu ; ils s'efforçaient, pour ainsi dire, de s'identifier aux desseins de la Nature, à la loi d'évolution spirituelle, en un mot, au principe du bien qui réside dans l'univers. Alors que les prêtres et ministres d'une religion, indignes de ce nom, tuaient, volaient et torturaient tous ceux qui s'opposaient à la tyrannie intéressée exercée par le clergé sur les croyances populaires, les alchimistes, par leur vie pure et pleine d'abnégation et par de hautes aspirations, cherchaient à élever le niveau moral d'une humanité qui se souillait des pires excès. Par une méthode qui ne diffère pas essentiellement de la nôtre, ils essayaient de gravir, jusqu'à un certain point, le sentier du développement occulte conduisant à l'Adeptat. Mais, dira-t-on, pourquoi persister à écrire dans d'aussi mauvaises conditions, puisqu'ils ne pouvaient être compris que par ceux dont le savoir était égal au leur ?

      S'il avaient enseigné ouvertement leur doctrine du salut, ils eussent été brûlés avec leurs livres, par autorité de l'église. Etait-il alors vraiment utile d'exposer ces doctrines dans un langage inintelligible à ceux qui eussent pu profiter de la leçon ?

      Il y a deux réponses à cette question :
      Les alchimistes, qui se comprenaient entre eux, paraissent avoir pensé qu'ils seraient compris aussi des hommes assez mûrs d'esprit pour bénéficier de l'enseignement occulte. Nous ignorons dans quelle mesure leurs espérances ont pu se réaliser ;
      Un autre motif pouvait encore les pousser à écrire, malgré l'alternative de rester souvent incompris : c'était celui de se reconnaître entre eux.

      En effet, un véritable occultiste était seul capable d'écrire un traité sur l'alchimie, sur la manipulation du plomb, du soufre, du mercure, sur la poudre de projection rouge et blanche, etc., etc., de connaître le « jargon » usuel des creusets, des sublimations, de la coagulation des teintures fugitives, etc., et capable surtout d'y intercaler cette doctrine ésotérique du développement occulte que nous avons aujourd'hui le privilège d'étudier ouvertement. L'auteur d'un ouvrage semblable était ainsi reconnu pour un des leurs par tous les occultistes qui le lisaient.

      N'oublions pas cependant que, parmi les vrais occultistes déguisant sous la symbologie alchimique la théorie du développement occulte, il se glissait aussi beaucoup d'avides chercheurs d'or, qui, incapables de comprendre le but élevé de l'alchimie, l'étudiaient dans un espoir de lucre, à seule fin de produire le précieux métal. Les vrais alchimistes, aussi clairement qu'ils le pouvaient sans trahir leurs secrets, s'élevaient constamment contre cette fausse interprétation de leur science ; mais la cupidité humaine, sans cesse en éveil, espérait toujours trouver, par les procédés alchimiques, un moyen rapide et sûr de faire fortune. C'est pourquoi, au moyen-âge, bien des gens, très différents des vrais alchimistes que nous avons dépeints, dépensèrent beaucoup de temps et d'argent à essayer les propriétés et les réactions du mercure, du sel, du soufre, et de toutes autres drogues ou préparations chimiques, pour arriver à fabriquer l'or ; ils n'aboutirent qu'à un triste échec.

      Peut-être ont-il écrit quelques-uns des nombreux traités d'alchimie qui existent encore actuellement, pour y relater leurs expériences et discuter les causes probables de leur insuccès. Ces chercheurs malheureux de la pierre philosophale peuvent avoir découvert, par l'effet du hasard, quelque nouvelle combinaison chimique, vengeant ainsi l'alchimie du dédain profond que lui témoignent les encyclopédies modernes et l'opinion générale. On croit, en effet, que tous les alchimistes, du premier au dernier, furent des chercheurs d'or, qui échouèrent dans leur entreprise, ex necessitate rei, mais qui, dans leurs vaines recherches, établirent cependant les bases de la chimie moderne. Ils sont, en réalité, loin d'avoir fait en ce sens autant qu'on leur attribue. Mais comment admettre que cette longue succession de savants, dont les écrits nous révèlent l'esprit philosophique et éclairé, aient tous été dupes d'une vaine illusion engendrée par leur cupidité ? Les commentateurs modernes, assez abusés pour le croire, seraient eux-mêmes le plus triste exemple d'illusion volontaire que puisse offrir l'histoire de l'alchimie.


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(Note FS)  Cette assertion est à la fois vraie et fausse : fausse dans la mesure où l'Alchimie permet bel et bien de réaliser des transmutations métalliques, dont celles du plomb en or ou de l'argent en or, et vraie dans la mesure où aucune réussite n'est possible dans cette Voie sans une transmutation intérieure totale. En effet, si la Lumière ne peut descendre dans l'opérateur, elle ne peut non plus descendre dans son creuset pour y révéler la Pierre, sauf dans le cas d'une illumination subite qui s'apparente alors à une grâce.




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